Disparition de la Médecine du Travail ?

Publié le 6 Octobre 2010

La pénibilité permet au Gouvernement d'intégrer une réforme dans la réforme, celle de la médecine du travail.

 

Objectif : réduire le poids relatif du médecin du travail au profit de l’émergence d’une collectivité en charge de la santé au travail.

I. - Le médecin du travail n'incarnerait plus à lui seul la santé au travail

Le projet souhaite passer d’un service médical incarné par le seul médecin du travail (C. trav., art. L. 4622-2) à une équipe pluridisciplinaire, composée a minima, outre le médecin du travail, d’intervenants en prévention des risques professionnels, d’infirmiers et, le cas échéant, d’assistants des services de santé au travail. Ce service devrait également comporter un service social du travail, ou tout au moins coordonner ses actions avec celles exercées par un service social du travail externe.

Le projet prévoit la désignation par l’employeur d’un ou plusieurs salariés compétents en matière de protection des salariés et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise. En l’absence de compétences en interne, il pourrait faire appel à des intervenants en prévention des risques professionnels attachés au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère le cas échéant, ou au service de prévention des risques d’un certain nombre d’institutions (caisses de sécurité sociale, Institut national de recherche et de sécurité…) ou encore à des intervenants en prévention des risques professionnels enregistrés auprès de l’autorité administrative.

Le projet donne également aux services de santé au travail la possibilité de recruter temporairement un interne de la spécialité, selon des modalités fixées par décret.

II. - Fonctionnement du service de santé au travail interentreprises

Le service serait administré paritairement par un conseil composé de représentants des entreprises adhérentes, désignés par des organisations d’employeurs représentatives au niveau national professionnel ou interprofessionnel, et de salariés désignés par des syndicats représentatifs au niveau national et interprofessionnel. Le président du conseil d’administration serait élu parmi les représentants employeur et aurait voix prépondérante en cas de partage des voix.

Les actions définies par le conseil d’administration seraient mises en œuvre par le directeur du service de santé au travail interentreprises. Il agirait sous l’autorité du président du conseil d’administration –  membre du collège employeurs – tout en étant, selon le même texte, garant de l’indépendance du médecin du travail.

Un croisement de liens de dépendance et d’indépendance qui n’est pas sans poser quelques questions…

Le service de santé au travail interentreprises élaborerait un projet de service pluriannuel fixant les priorités d’action du service et soumis à l’approbation du conseil d’administration. Celui-ci s’inscrirait dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé. Ce contrat d’objectifs permettrait de cadrer les activités du service et de les adapter aux réalités locales.

Enfin, les services de santé au travail auraient la possibilité d’engager une démarche qualité selon des modalités déterminées par décret.

III. - La prévention de la pénibilité comme mission centrale des services de santé au travail

La mise en œuvre des dispositions relatives à la pénibilité reviendrait en grande partie aux services de santé au travail, qui auraient pour mission exclusive :

- de conduire des actions de santé au travail destinées à préserver la santé des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;

- de conseiller les différents acteurs de l’entreprise (employeurs, salariés, représentants du personnel) en vue de réduire ou éviter les risques professionnels et la pénibilité, d’améliorer les conditions de travail et de favoriser le maintien dans l’emploi des personnes âgées et des travailleurs handicapés ;

- d’assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques auxquels ils sont exposés dans leur travail, de la pénibilité de celui-ci et de leur âge ;

- de participer au suivi des expositions professionnelles et de contribuer à leur traçabilité, celle-ci s’effectuant notamment par le carnet de santé au travail et la fiche individuelle du salarié ;

Toutes ces missions seraient exercées par les médecins du travail en lien avec les employeurs, les salariés compétents en matière de risques professionnels et les éventuels intervenants extérieurs.

IV. - Des dérogations pour certains salariés

Selon le projet, un accord de branche pourrait prévoir la possibilité de faire suivre certaines catégories de salariés par des médecins non spécialisés en médecine du travail mais ayant signé une convention avec un service de santé au travail interentreprises. Seraient concernés : les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés du particulier employeur et les VRP.

Pour d’autres catégories de salariés, le projet laisse à un décret le soin de déterminer les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail. Il fixerait également les modalités de surveillance de l’état de santé de ces salariés, lesquels sont pour la plupart en contrat précaire ou géographiquement éloignés de leur entreprise : salariés temporaires, saisonniers, stagiaires de la formation professionnelle, travailleurs d’association intermédiaires, travailleurs exécutant leur contrat dans une autre entreprise ou un autre établissement que le leur, ou travailleurs détachés à l’étranger.

Le Gouvernement s’engage à présenter au Parlement, dans le délai d’1 an suivant la promulgation de la loi, une analyse comparée des différents systèmes de santé existant en France et dans le monde, ainsi qu’un rapport sur les pratiques de certification en Europe des activités de suivi de la santé au travail. 

  

Projet de loi portant réforme des retraites, n° 527, art. 25 quater et s.

Publié dans #Société

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