Élie Domota « Depuis quatre cents ans,on n’a pas le droit de parler »

Publié le 29 Juin 2009

Élie Domota, porte-parole du LKP, secrétaire général du syndicat UGTG, estime que l’État renie les engagements pris au terme de la grève générale de janvier et février en Guadeloupe.

Comment réagissez-vous à la venue du président de la République aux Antilles ?

Élie Domota. Nous ne sommes pas suspendus à son calendrier.

Quelle appréciation portez-vous sur sa visite ?

Élie Domota. Nous sommes mobilisés en Guadeloupe depuis le 16 décembre 2008. Pas une journée ne se passe sans qu’il y ait dix à vingt entreprises en grève. Ce n’est pas la venue de M. Sarkozy qui va changer quoi que ce soit. Les revendications sont posées. Nous l’avons écouté le 22 juin, lors de son discours au Congrès de Versailles : tous ses propos sont en totale contradiction avec les décisions prises ici par l’État. Nous subissons des répressions sociales et syndicales, et les accords salariaux signés par le patronat sont remis en cause directement par les pouvoirs publics. L’État est en fin de compte en train de - revenir sur ses engagements.

Comment expliquez-vous cette remise en cause ? Les liens étroits qu’entretient le gouvernement avec le MEDEF, seule organisation patronale à n’avoir pas signé l’accord Jacques Bino, sont-ils en cause ?

Élie Domota. La remise en cause dure depuis quatre cents ans. Depuis quatre cents ans, les Guadeloupéens n’ont pas le droit de parler. C’est l’État central qui décide, en étroite collaboration avec les békés, un point c’est tout.

Est-ce à dire que la grève générale n’a servi à rien ?

Élie Domota. Au contraire ! Cela veut simplement dire que, si les choses continuent en l’état, nous serons encore obligés de descendre dans la rue. Les Guadeloupéens ne vont pas se laisser faire.

À quoi est dû ce malaise persistant ?

Élie Domota. Il suffit de visiter la Guadeloupe pour comprendre que les Guadeloupéens d’origine africaine et indienne, majoritaires dans ce pays, n’ont accès à rien. C’est l’apartheid ici. Nous sommes traités comme des moins que rien. 60 % des jeunes sont au chômage. La Guadeloupe est un cimetière pour les jeunes diplômés, - victimes de discriminations - raciales à l’embauche dans un pays où les Noirs sont pourtant majoritaires. C’est extraordinaire, non ?

Que faut-il faire ?

Élie Domota. Continuer à se battre, à dénoncer l’oppression, les discriminations et à exiger une réelle égalité sociale. Dans les domaines du tourisme et de l’exploitation sucrière, tout est fait pour permettre aux békés et aux Européens de se remplir les poches. Parallèlement, rien n’est fait pour développer l’île, créer des emplois, faire en sorte que les richesses circulent et soient partagées. Ce système enrichit toujours les mêmes depuis quatre cents ans.

N’y a-t-il eu aucun échange entre le LKP et le président de la République ?

Élie Domota. Nous n’avons pas été invités par l’Élysée à échanger de quoi que ce soit avec le président. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, le préfet fait tout pour empêcher que nous parlions à quiconque.

Quel sentiment éprouvez-vous à être ainsi ignorés par les hautes autorités de République ?

Élie Domota. Nous ne nous sentons aucunement ignorés. L’État français nous a toujours considérés avec le plus grand mépris. D’ailleurs, le président de la République a attendu trente jours avant de s’exprimer sur le conflit de février dernier. Est-ce qu’on aurait pu tolérer une grève - générale d’un mois en France sans intervention de l’État ? Nous avons entendu récemment MM Sarkozy et Kouchner donner des leçons au président iranien. Or, les 26 et 27 mai 1967, les gendarmes et les militaires français ont tué plus de 100 Guadeloupéens dans une manifestation à Pointe-à-Pitre. Depuis quarante-deux ans, nous demandons des réparations. Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu un mot de l’État français.

Entretien réalisé par Mina Kaci 26/06/09 lhumanite.fr

Rédigé par Karevé

Publié dans #Politique

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