ONU Rapport 2008 sur les minorités en France

Publié le 15 Mars 2009

On nous cache tout. On nous dit rien.
Je vous livre uniquement les conclusions du rapport de l'ONU dont l'intégralité mérite le détour.
N'oublions pas que la France est la patrie des Droits de l'Homme.
Il faudrait qu'elle aille jusqu'au bout en ratifiant les conventions internationales adéquates intégralement et en assurant leur application effective dans des textes nationaux.

Conseil des Droits de l’Homme - Assemblée générale
Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités


V. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DE L’EXPERTE INDÉPENDANTE

75. Malgré l’existence d’une importante législation antidiscrimination, les membres des communautés minoritaires en France sont victimes d’une véritable discrimination raciale, ancrée dans les mentalités et les institutions. Le refus politique de reconnaître ce problème a entravé l’adoption de mesures propres à garantir l’application des dispositions législatives pertinentes et à corriger les inégalités complexes qui se sont installées. Les récentes explosions de violence urbaine ont alerté les autorités quant à la nécessité d’un changement19.

76. L’experte indépendante invite instamment le Gouvernement à tenir pleinement compte du contenu du présent rapport dans l’élaboration des politiques qu’il entend mettre en oeuvre en réponse aux émeutes urbaines. La priorité du Gouvernement devrait être de s’attaquer aux causes profondes de ce mécontentement et de rechercher des solutions structurelles.

Reconnaissance de la réalité

77. Le Gouvernement français devrait:

1) reconnaître l’existence de minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques sur le territoire français et retirer sa réserve à l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant les droits des personnes appartenant à des minorités, et à l’article 30 de la Convention relative aux

droits de l’enfant;

2) ratifier les instruments européens relatifs aux droits de l’homme concernant les droits des minorités, notamment le Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales.

Garanties en faveur de la non-discrimination et de l’égalité

78. La législation antidiscrimination de la France devrait être modifiée de façon à permettre de sanctionner les pratiques discriminatoires par des peines et des amendes suffisamment lourdes pour être dissuasives. Elle devrait également être modifiée de façon à renforcer les pouvoirs de sanction de la HALDE en cas de non-versement de l’amende transactionnelle. Les tribunaux devraient prononcer des peines plus lourdes à l’encontre des auteurs d’actes discriminatoires, comme prévu dans le Code pénal.

79. Des politiques volontaristes devraient être adoptées pour contrer les effets de la discrimination à long terme à l’encontre des minorités. Les groupes de la société civile et les représentants des pouvoirs publics ont fait part à l’experte indépendante de leurs arguments à la fois pour et contre une action volontariste. L’emploi répandu des termes «discrimination positive» conduit selon elle à la fausse idée de «privilèges» accordés aux personnes appartenant à certains secteurs de la société au détriment des autres. Une telle terminologie a pour effet de rendre l’opinion publique défavorable à des programmes qui sont pourtant bénéfiques pour tous.

80. La question devrait faire l’objet d’un débat élargi et informé, faisant appel à la participation de tous et s’appuyant sur l’expérience des autres États Membres de l’ONU et sur les recommandations des institutions régionales et internationales. Ce débat devrait s’articuler autour de la notion de mesures spéciales/volontaristes telle que définie dans les normes internationales, y compris les articles 1.4 et 2.2 de la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

81. L’experte indépendante partage l’avis du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, selon lequel l’insuffisance des données statistiques tenant compte de la race, de l’appartenance ethnique ou de la religion constitue un obstacle à la lutte contre la discrimination en France. Elle se félicite du débat actuel concernant l’utilisation des statistiques, notamment sa constitutionnalité, et espère que celui-ci continuera d’être alimenté par l’expérience et les pratiques des autres pays européens.

82. La collecte de données socioéconomiques ventilées selon des critères tels que l’appartenance ethnique et la religion mais aussi le sexe apparaît comme un outil indispensable pour obtenir un tableau complet des problèmes sociaux auxquels sont confrontées les personnes appartenant aux différents groupes ethniques ou religieux minoritaires. L’existence de telles données faciliterait l’adoption de politiques et de pratiques adéquates et efficaces pour lutter contre les effets de la discrimination.

83. Le Gouvernement devrait mettre en oeuvre des mesures de renforcement de la confiance et de sensibilisation s’adressant à toutes les communautés, y compris les groupes minoritaires, afin de promouvoir et d’encourager leur participation à la collecte de données, notamment aux opérations de recensement, et de dissiper leurs craintes quant à ’utilisation de ces données à des fins discriminatoires.

84. Le Comité interministériel de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie a été inactif depuis 2005 et devrait être rétabli et réuni régulièrement. Ce type d’organe permet en effet de mieux coordonner les politiques et les pratiques des différents ministères, en tenant compte des liens entre leurs mandats respectifs et de la nécessité de mener une action globale pour lutter contre le racisme et la discrimination et promouvoir les droits des minorités.

85. S’appuyant sur son entretien avec le Haut-Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et rappelant les recommandations contenues dans son rapport de 2007 sur les minorités, la pauvreté et les objectifs du Millénaire pour le développement, l’experte indépendante fait observer que la mise en oeuvre de mesures globales s’appliquant à l’ensemble des pauvres et ne prenant pas en compte la nature spécifique des obstacles rencontrés par les groupes minoritaires ne permettra pas de trouver des solutions durables au problème de la pauvreté de ces groupes.

Discrimination dans l’emploi

86. Le secteur public doit montrer l’exemple en favorisant et garantissant l’égalité, la nondiscrimination et la diversité de façon à envoyer un message clair à tous les secteurs de la société. Le Gouvernement devrait adopter des stratégies plus agressives en vue d’accroître considérablement le nombre de personnes issues de l’immigration dans le service public, en particulier dans la police, l’administration et la magistrature, afin de mieux refléter la grande diversité de la société française. Ces stratégies devraient être évaluées sur la base des résultats obtenus, en utilisant des données statistiques ventilées de manière à révéler le nombre de personnes appartenant à des minorités visibles qui ont été recrutées ou promues pendant la période considérée. Dans le secteur privé, les candidatures anonymes devraient être encouragées.

Discrimination dans le logement

87. L’experte indépendante se félicite des mesures proposées pour améliorer le logement et les conditions de vie dans les banlieues françaises. Elle considère toutefois que les investissements massifs dans la rénovation urbaine ne devraient être qu’un volet d’un programme d’action beaucoup plus vaste, mettant également l’accent sur le rôle de l’emploi et de l’éducation dans la lutte contre la discrimination. Elle souligne qu’il faudrait veiller à ce que les logements nouveaux ou rénovés soient attribués en priorité aux résidents de longue date des banlieues concernées.

88. Les municipalités qui ne respectent pas l’obligation légale d’atteindre un pourcentage donné de logements sociaux devraient être sévèrement sanctionnées. Le Gouvernement devrait mettre sur pied un dispositif de surveillance à cet effet.

89. Par ailleurs, les lourdes peines prévues par la loi devraient être effectivement appliquées aux municipalités qui ne respectent pas les dispositions visant à protéger les droits des personnes appartenant aux communautés tziganes/voyageurs.

Discrimination dans l’enseignement

90. Le Gouvernement devrait évaluer ses programmes actuels en faveur des écoles en difficulté à la lumière d’études spécifiques sur les obstacles rencontrés par les élèves appartenant à une minorité, qu’ils soient issus de l’immigration ou fassent partie des communautés tziganes/voyageurs. Des mesures spéciales devraient être adoptées pour garantir aux enfants de familles tziganes/voyageurs la possibilité d’être scolarisés dans les

établissements ordinaires et leur éviter d’être envoyés dans des écoles ou des classes normalement réservées aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage lorsque cela n’est pas nécessaire.

Intégration des femmes appartenant à des minorités

91. La situation des femmes appartenant à un groupe minoritaire est particulièrement complexe. Outre la discrimination dont elles sont victimes dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du logement, elles sont souvent confrontées à des difficultés particulières sur le plan familial en raison de leur statut d’immigration lorsque celui-ci est lié au statut de leur mari. Les procédures de divorce devant les tribunaux de certains pays étrangers peuvent entraver la réalisation de droits qui leur seraient reconnus par la législation française. Les ministères concernés et les autorités locales et régionales devraient prendre des dispositions spécifiques pour faire face à ces problèmes et prévoir des fonds en conséquence.

92. La pleine participation des femmes issues de minorités devrait être considérée comme un aspect essentiel de l’action menée par les pouvoirs publics et la société civile pour répondre à leurs problèmes. Il faudrait envisager la création d’un organe consultatif sur ces questions auprès de la HALDE comme moyen de recueillir l’avis et les données d’expérience des femmes appartenant à une minorité et de faciliter l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des politiques visant à répondre à leurs problèmes et préoccupations.

Promotion des droits linguistiques, religieux et culturels

93. L’experte indépendante appuie les appels lancés à la France pour qu’elle ratifie la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui donne à tous les États européens des orientations précieuses quant à la manière de traiter les questions linguistiques et de préserver et promouvoir le riche héritage culturel et linguistique de chaque État. Le Gouvernement français devrait favoriser l’enseignement en langue régionale ou minoritaire dans les premières années du primaire, pour les élèves qui le souhaitent.

94. L’experte indépendante souscrit aux conclusions et recommandations formulées par la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction dans son rapport sur sa visite en France en 2005 en ce qui concerne la loi no 2004-228 du 15 mars 2004 sur la laïcité et le port de signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, qui constitue selon elle une limitation du droit de manifester une religion ou une conviction et a surtout touché certaines minorités religieuses, notamment les personnes de culture musulmane. Elle approuve la recommandation de la Rapporteuse spéciale tendant à ce que le Gouvernement suive de près la manière dont les établissements scolaires appliquent cette loi et préconisant une application souple de la loi de façon à tenir compte du cas des enfants pour lesquels le fait d’arborer des signes religieux fait partie intégrante de leur foi.

Participation accrue à la vie politique

95. Il est essentiel pour protéger et promouvoir les droits des minorités de favoriser leur pleine participation aux instances politiques nationales et régionales, ainsi que leur représentation au sein des principaux ministères et institutions publiques. Les partis politiques français devraient rechercher les moyens d’accroître le nombre de personnes appartenant à des minorités élues aux niveaux national, régional et local.

96. Le Gouvernement français devrait créer des organes consultatifs composés de personnes issues de minorités afin que ces dernières puissent participer pleinement à toutes les décisions les concernant et à l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des politiques et programmes portant sur les questions relatives aux minorités ou ayant un impact sur leur situation.

http://www.contreculture.org/ONU_RapportMacDougall-030308.pdf

Rédigé par Karevé

Publié dans #Société

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