Sauvez Willy

Publié le 2 Mars 2009

Sacré Willy

Que se passe t-il réellement  en Guadeloupe ? 
Pourquoi ne parvient-on pas à sortir de la crise, pardon,  il s’agit plutôt d’un mouvement social, voire sociétal  qui a toujours autant de vigueur, malgré des analyses plus ou moins disqualifiantes  faites ici ou là. 
Chacun s’interroge alors sur les véritables enjeux, qui sont de plusieurs ordres, économique, mais aussi politique (au sens d’organisation des institutions relatives au fonctionnement de la société).
A l’initiation de ce mouvement social, le LKP , regroupement de 49 syndicats, associations culturelles et partis politiques, dont la plate-forme de revendications, comparable à un véritable cahier des charges , concerne tous les aspects de la vie en Guadeloupe et dit vouloir donner du « sens» à celle-ci.
L’essentiel est que la base soit valable, la vigilance à l’égard des dérives devant rester de mise.
Une chose est certaine est que les guadeloupéens veulent vivre dans une société démocratique, c’est sans doute ce que peuvent  signifier les résultats du sondage Opinionway récemment paru (80%  défavorables à l’indépendance).
Pour les guadeloupéens, « indépendance » signifie  sans  doute régime politique non démocratique et misère, alors même qu’ils revendiquent une identité propre, d’où la complexité de la question du changement de statut.

Au moins tout le monde s’accorde –t-il à dire que le mouvement social en cours  est  bien plus qu’une grève générale  de par sa  profondeur, comme si quelque chose se jouait  à travers cette crise pour le devenir même  des gens qui vivent là. 
Le point d’achoppement des négociations, c’est la hausse des salaires.
Le positionnement de certains protagonistes  tout  au long de celles-ci suscite la réflexion.
Willy est un de ceux –là.

Qui est Willy ? C’est celui qui représente le patronat dans les négociations. Oui, le gros patronat, les membres du Medef.
En fait, Willy est le « paravent des békés » (dit-on ici et là ) et des grands groupes détenant certains monopoles de l’import-export en Guadeloupe, notamment.  
Il fait presque pitié parfois comme dit une guadeloupéenne «  ti zorey ay dè plis an pli drèt dèyè tèt ay », tellement il se démène depuis le début des négociations concernant la hausse des salaires.
En tout cas il en fait beaucoup.
Entre « noyer le poisson » en ne parlant que des petites entreprises, alors même qu’il sait qu’on ne peut les mettre sur le même plan que ces grands groupes, qui tout en faisant des marges extraordinaires, continuent à sous-payer leurs employés, alors même qu’ils touchaient des subventions et exonérations de la part de l’Etat et se  faire passer  pour une victime recevant des menaces de mort…ou inventer une agression au cours des négociations…

Alors on s’interroge sur les véritables motivations de Willy.
Il se dit guadeloupéen.
Soit, et  il semble avoir été traumatisé  par l’effet des évènements de Mai 67 sur un de ses oncles, qui en aurait perdu la tête.
En tout c’est ce qu’on a pu comprendre lorsque les négociations étaient encore filmées, chacun a pu jouer son film, et Willy a eu son envolée lyrique et expliqué pourquoi « plus jamais çà ! ».
Mais que voulait-il dire au juste ?
De Willy, nombreux sont les gens qui avaient retenu deux choses : l’émotion à propos Mai 67, et puis la comparaison entre ce qui se passe ici et  le conflit entre les hutus et les tutsis, lors du génocide rwandais.
Nous avions été choqués, et certains affirmaient alors qu’il était manipulé, d’autres que c’est lui qui savait  manipuler. Il n’empêche qu’il sait théoriser les choses, et occulter les vrais problèmes, en employant de grands mots lui donnant presque l’air d’un intellectuel.
Prenons un exemple :
Dès l’abord, dans les négociations, il a posé un « problème de société »,  de « projet de société » alors même  que la question était celle de l’augmentation des salaires et de la possibilité matérielle, voire morale pour les entreprises de faire cette augmentation. 
Cette application que Willy  met  à jouer son rôle de représentant des membres du Medef, dont se sont désolidarisés la majorité des patrons en Guadeloupe interpelle plus d’un, et interroge sur le véritable objectif, non pas de ceux qui « bloquent » la Guadeloupe, mais  de ceux  qui « bloquent les négociations ». 
On peut alors se poser beaucoup de questions, surtout quand on apprend par ailleurs que Willy est le protégé de L. Parisot, présidente du Medef en France, et qu’il n’a lui-même pas d’entreprise.
Willy recevrait-il toutes ses consignes de là-bas ?
Pourquoi cet acharnement de la part de Willy à nier l’évidence et à utiliser des arguments qui sont susceptibles d’irriter ?  
Quels sont les véritables intérêts en jeu ?
Le vrai problème, il le sait, est celui du partage des richesses, et d’atténuer les « pwofitasyons », tout le monde le reconnaît, sauf Willy, qui fait semblant de s’enfermer dans une technicité qui n’est même pas convaincante.

Willy serait-il mal dans sa peau ?
Il est vrai qu’il a dit être métis, mais métis ou pas, comment peut-on nier que les grands groupes sont détenus en Martinique et en Guadeloupe par quelques grandes familles de békés, descendants d’esclavagistes et ne pouvant s’empêcher pour certains de faire perdurer l’exploitation qui était de mise dans le cadre de l’économie de plantation, en    ne répartissant pas de manière équitable les bénéfices produits tout en  bénéficiant de facilités de l’Etat ?
Il y a bien sûr collusion entre certains guadeloupéens et ceux-ci, mais dans l’ensemble c’est un schéma économique qui est contesté et dont tout  le monde admet  le caractère illégitime.
Le secrétaire d’Etat Y. Jégo n’a-t-il pas dit que la « pwofitasyon» est une dérive ?
Et Willy d’expliquer que «  dans le cadre de la société actuelle, avec les lois en vigueur, rien ne peut modifier l’impôt d’un chef d’entreprise. Il n’a pas « objectivement » de raison de partager ses bénéfices avec ses employés, s’il préfère par exemple les partager avec des gens comme Willy… peut-être.
Sauf à changer le cadre.
Et c’est là qu’on voit l’enjeu de ce  fameux « accord interprofessionnel » qui fixe des limites à la « pwofitasyon », ce qui semble déranger  le Medef. C’est une conception qui se joue, et  Willy a l’air si convaincu parfois de ce qu’il dit, qu’on pourrait  le croire sincère. Il défend le libéralisme et le capitalisme, bec et ongles.

Alors, ne pouvant s’attaquer au fond, c’est-à-dire à ce qui fonde la démarche du LKP puisque de nombreux chefs d’entreprise sont d’accord pour dire que les revendications sont fondées, Willy a décidé de s’attaquer à la forme de la démarche.

Et là encore, en bon théoricien, Willy va chercher ce qui permet de considérer celle-ci comme « violente », «  terroriste », relevant du « centralisme démocratique », de la « pensée unique », avançant « masquée » et j’en passe, reprenant d’ailleurs certains arguments d’un certains haut fonctionnaire ultra marin de la fondation terra Nova  sur les méthodes du LKP,  pour justifier le refus de reprendre les négociations au motif que la veille , il avait été agressé par le porte-parole du LKP. (Ce qui a d’ailleurs été démenti par le Préfet).

En fait, ce n’est pas la première fois  que des échanges  un peu rudes ont lieu, et on peut aisément comprendre l’état de tension nerveuse dans laquelle se trouvent  tous les protagonistes de cette négociation.

On ne comprend pas non plus que  le Medef confirmait une suspension de séance, à la fin de la négociation puisque rendez-vous avait été pris pour le lendemain, pour ensuite prétexter cet incident pour ne pas se présenter aux négociations, et faire une conférence de presse à ce sujet, pendant que les autres  participants aux négociations l’attendait.  

Tout cela est fort bizarre et pousse encore à s’interroger sur les véritables motivations du Medef à travers Willy ou de Willy lui-même, sauf que le problème est qu’il ne parle même pas en son nom, non, il est le défenseur des forts.

Cela n’est donc pas étonnant qu’à force d’entendre dire que c’est le Medef qui bloque les négociations, de voir le Medef représenté par Willy  les gens finissent par l’identifier au Medef, certains l’invectivant dans la rue, si c’est vrai…, car Willy n’est pas à un mensonge près.

On se demande vraiment ce qui se joue là,  pour Willy, à travers ce conflit, car il  dit aimer la Guadeloupe et en même temps ne semble  pas être prêt à faire revenir la paix sociale, au nom de quels intérêts supérieurs ?? 

Comme disait d’ailleurs un petit-fils de béké, n’est-ce pas l’occasion qui est donnée pour se tenir par la main, (Willy en tant que métis serait justement bien placé) en reconnaissant les choses, c’est-à-dire la nécessité de donner un pouvoir d’achat décent aux gens, par ceux qui ont toujours été du côté des exploiteurs. 

 L’enjeu de tout cela dépasse sans doute Willy lui-même, si on comprend que derrière tous ces  atermoiements du Medef se cache le  refus d’admettre la  nécessité de revoir la répartition des richesses  dans la société ou comment limiter les « pwofitasyons ».

Là c’est une question qui regarde aujourd’hui n’importe quel chef d’Etat et qui concerne la part d’interventionnisme de l’Etat pour limiter les abus et réguler la paix sociale, d’où le caractère exportable de la revendication du LKP concernant le pouvoir d’achat.

Libéralisme et socialisme s’avèrent tous les deux insuffisants pour penser les rapports sociaux aujourd’hui. 

Les sociétés post-capitalistes sont à inventer. 

En tout cas toute société se doit de mettre des garde-fous et l’adhésion de nombre de guadeloupéens  au LKP affirmant une identité guadeloupéenne  tout en réclamant leur droits dans le cadre du droit français pose un problème qui dépasse la Guadeloupe et même la France.

Il s’agit  de la revendication des droits essentiels concernant tout homme devant pouvoir vivre sur un territoire donné, ce qui passe par une réduction des inégalités sociales et une organisation de tous les secteurs de l’existence , aujourd’hui sans doute dans la perspective d’un développement durable…

Ainsi, Willy tout en accusant les membres du LKP d’être prêts à tout pour parvenir à leurs fins, (puisque selon lui, il y a toujours « quelque chose derrière » , « le véritable but n’est pas avoué » etc)   montre que lui aussi dans sa logique capitalistique et pragmatique,  est prêt à tout en caricaturant un mouvement, en le réduisant à quelques pratiques qui pourraient  être condamnables si elles étaient prouvées,  mais ne correspondent en aucun cas aux valeurs prônées par le LKP et surtout en faisant semblant de confondre le fond et la forme.

Le plus grave c’est que Willy, tout en prenant cette posture arrive à tromper certains, mais montre à beaucoup d’autres son mépris conscient ou inconscient pour la Guadeloupe et les nombreux guadeloupéens sensés s’étant positionnés pour le LKP, y compris dans le monde de l’entreprise. 

Le LKP au moins fédère autour de valeurs nobles, mais que défend au juste Willy ?

Serait-il vraiment une marionnette articulée d’ailleurs, car on a du mal à croire qu’il soit aussi machiavélique. En tout cas il intrigue… 

Peut-être faudrait-il chercher dans son passé personnel les raisons de son comportement ?  Nous laissons cela aux psychologues de la place…

Nicole Rauzduel- Lambourdière
Prag Philosophie  Guadeloupe
Membre de la société civile 27 février 2009

Rédigé par Karevé

Publié dans #Polémique

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