Texte : Une crise salutaire - Pamela OBERTAN

Publié le 4 Février 2009

 

UNE CRISE SALUTAIRE :

 

L'été dernier, plusieurs milliers de personnes subissaient le coup de la crise alimentaire.  On voyait ainsi des gens défiler dans les rues de Port au Prince, Dakar, Abidjan, Caire, Antanarivo, Mexico, Islamabad, Bangkok, Manille...

Des citoyens ordinaires descendaient dans les rues et réclamaient de quoi se nourrir.

 En effet, les prix des aliments avaient augmenté de façon spectaculaire et les salaires n'avaient pas suivi.  La vie était devenue de plus en plus chère pour ces peuples

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 Ce mouvement qui était circonscrit aux pays pauvres, aux malheureux des malheureux s'est pourtant amplifié.  De plus, avec la crise économique, on risque de voir un peu partout dans les mois à venir des milliers d'autres personnes défiler aussi contre l'augmentation de la vie.

 

Point de départ d'une vaste prise de conscience

 

Les Guadeloupéens, l'année dernière avaient bien sûr été sensibles à cette crise alimentaire, à cette augmentation du coût de la vie.  Toutefois, rien n'avait vraiment été entrepris comme si cette crise mondiale ne nous toucherait peut être pas.  Et pourtant nous sommes frappés plus que jamais.  Dans un sens la crise sociale, économique, politique qui touche actuellement notre belle île est salutaire.  On peut remercier le collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon d'avoir donné un grand coup à la fourmilière.  J'espère que ce mouvement  sera le point de départ d'une vaste prise de conscience de notre modèle de développement.

 

Il suffirait que la situation se débloque pour que tout redémarre comme avant

 

En effet, notre territoire comme nous pouvons le constater est extrêmement fragile et dépendant de l'extérieur.

  Regardez comment il suffit d'une crise pour que nous soyons complètement déboussolés.

 J'entendais à la télévision certaines personnes affectées par ce mouvement populaire car ils ne pouvaient plus acheter de produits, des agriculteurs manquaient d'insecticides, de pesticides, d'aliments pour leurs animaux; des automobilistes avaient besoin d'essence pour circuler; des restaurateurs, des hôteliers se plaignaient du départ des touristes et se demandaient comment payer leur employés.

 Pourtant, il suffirait que la situation se débloque pour que tout redémarre comme avant Mais pour combien de temps? Les changements climatiques, les crises multiples financières, alimentaires sont là et ne manqueront pas de nous frapper.

 

 

Baser son développement sur le tourisme peut s'avérer très dangereux

 

Voilà pourquoi, nous devons profiter de cette période pour penser complexe, et ne pas perdre de vue les défis et les enjeux qui nous guettent.  En effet, dans quelques années, la Guadeloupe comme beaucoup d'autres îles et de régions subira les effets de la crise climatique.  Certaines îles ont déjà subies d'importantes inondations et ont du évacuer leurs populations.  De même, nous devons nous préparer à la fin du pétrole et à bien prendre conscience que les prix de l'essence ne feront qu'augmenter dans les années à venir.  Peu de gens pourront suivre la cadence. Et puis de toute façon à quoi cela sert-il de consommer toujours plus de pétrole qui pollue l'air que l'on respire.  Par ailleurs, nous devons aussi prendre conscience que le tourisme est une activité aléatoire et qu'en cas de problèmes, de troubles, d'évènements climatiques, les touristes ne viendront pas jusqu'à nous.  Il n'y a qu'à voir cela maintenant.  Donc baser son développement sur le tourisme peut s'avérer très dangereux.  Enfin, prenons conscience de notre petitesse. En cas de problème majeur « La mère Patrie » n'hésitera pas à nous abandonner à notre propre sort. Que vaut la vie de 450 000 habitants dans une petite île contre celle de 60 millions se trouvant sur le territoire européen?

 

Alors quand cela arrivera que nous restera-t-il?

 

 Un air pollué par nos voitures, nos sols et notre eau contaminés par nos insecticides et pesticides, nos terres agricoles perdues au profit des routes, des maisons, des centres commerciaux, des hôtels.  Que mangera-t'-on?

 Et bien de la nourriture importée?

 Une nourriture raffinée, peu fraîche, à faible valeur nutritive beaucoup moins riches en vitamines et en anti oxydant que nos fruits et légumes pays. Et puis que fera-t-on en cas d'augmentation considérable des prix de cette nourriture importée?

 Ce sera assurément les émeutes et la famine car nous importons 80% de notre alimentation et plus de la moitié de nos terres agricoles sont affectées à la production de canne à sucre et de bananes destinées à l'exportation.  Et nous rendrons compte alors  trop tard que notre modèle de développement que nous avons suivi n'était pas viable.

 

Le problème c'est que les miettes ne sont plus suffisantes

 

En effet, le modèle néolibéral de développement qu'une poignée de pays occidentaux ont imposé au reste du monde n'est pas viable sur le long terme.  C'est un modèle prédateur qui tue à petit feu l'environnement et qui permet à une minorité de s'approprier la richesse crée en laissant quelques miettes à la masse.  Le problème c'est que les miettes ne sont plus suffisantes.

 

Il est grand temps que nous bâtissons notre projet d'avenir

 

Alors il est grand temps que nous la masse rejetons ce modèle de développement.  Il est grand temps que nous bâtissons notre projet d'avenir.  Ce faisant nous devons prendre conscience de nos richesses qui sont la mer, la forêt, la rivière, la terre, la mangrove, l'air, notre culture, nos savoirs traditionnels, notre peuple.  Ce sont eux qui seront encore là même en cas d'abandon.  Par conséquent, si nous souhaitons nous « développer », il est impératif de protéger et préserver nos richesses intérieures au lieu de chercher à se développer sur des forces extérieures qui sont aléatoires.

 

Assurer notre autonomie alimentaire

 

Nous devons donc profiter de cette crise, de cette période de réflexion pour revaloriser notre richesse, penser à d'autres moyens de se « développer », consommer d'une autre manière, assurer notre production vivrière.  Nous devons être capables par exemple d'assurer notre autonomie alimentaire tout en respectant les cycles de la nature.  Des questions s'imposent à nous par exemple.

 

 À quoi cela sert-il d'avoir des augmentations de revenus?

 

Pour consommer encore plus des produits importés et d'être de plus en plus dépendants de l'extérieur?

Serons-nous capables de traiter tous les déchets issus de cette consommation?

De même, à quoi cela sert-il d'avoir l'essence moins chère pour circuler encore plus et donc polluer encore plus notre air?

À quoi tout cela sert-il si notre mode de développement nous condamne à tuer à petit feu notre île et notre peuple par la même occasion.

 

Yes we can et wi nou ké

 

Nous pouvons et je dirai même nous devons emprunter un chemin différent du « développement à l'occidental » qui n'est pas viable de toute façon.  Voilà pourquoi si nous parlons de notre destin, de ce que nous voulons construire ensemble, nous devons prendre en compte le fait que nous somme une petite île, fragile et riche à la fois.  Nous devons donc intégrer cela dans nos négociations et faire en sorte de renforcer nos richesses tout en travaillant nos faiblesses.  Quoiqu'en disent certains j'ai confiance en la Guadeloupe et en mon peuple qui affrontera je l'espère ce défi avec créativité.

  Yes we can et wi nou ké.

 

Paméla Obertan

Sciences- Pamela Obertan dénonce la « Bio-piraterie »,nouveau colonialisme, portrait d'une chercheuse guadeloupéenne au Canada

 
Site de Bworldconnection

Rédigé par Karévé

Publié dans #Société

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